©Michio ISHIKAWA SanctuaireSanctuaire Oyama au sommet de Tateyama
Par ISHIKAWA Michio
"L’Enfer de Tateyama est aujourd’hui appelé “Jigokudani” (la vallée de l’enfer), et c’est l’endroit le plus élevé du Japon où de l’eau chaude jaillit naturellement de la terre (altitude 2300 m). Les environs de la source étant dangereux à cause des jets brûlants et des gaz nocifs.
L’Enfer de Tateyama, dont on disait autrefois qu’elle rassemblait les âmes des morts..."
*Les montagnes de Tateyama se trouvent dans les Alpes Nord au Japon
Si les Japonais ont voué depuis les temps anciens un culte particulier à la nature et aux sources chaudes, le culte de la montagne, Sangaku-shinkō, est lui aussi quelque chose de très important. Il a en effet exercé une grande influence sur le développement des onsen. Et lorsque le bouddhisme est arrivé au Japon au 6ème siècle, ce culte de la montagne a lui aussi été fortement influencé par le bouddhisme.
Les satoyama, ces zones semi-cultivées situées en bordure des villages, sont devenues partie intégrante de la vie des gens, leur fournissant du bois de feu, des denrées alimentaires, etc. Les habitants en ont fait des lieux de culte en installant à l’entrée de petits sanctuaires entourés d’un bosquet sacré. A l’opposé, les montagnes à l’eau abondante, les volcans, les sommets à la silhouette élégante et les rochers imposants inspiraient des sentiments de crainte et de respect, et ils recevaient la visite de montagnards adeptes des pratiques ascétiques (sanrin shūgyōsha). Si le Mont Fuji a été classé au patrimoine mondial de l’Unesco, c’est parce qu’en plus de sa beauté en tant que montagne, la culture et l’histoire du “culte du Mont Fuji”, qui dispose de Fuji-jinja (sanctuaires Fuji) dans l’ensemble du pays, ont été hautement évaluées. Ces montagnes étaient habitées par un “dieu de la montagne” (Yama-no-kami) et les volcans par un “dieu du feu” (Hi-no-kami), et les personnes qui s’y aventuraient devaient respecter toutes sortes d’interdictions.
Les montagnes de Tateyama (Les Alpes Nord du Japon)
Ce qui est intéressant, en tant qu’élément lié à la vision de la vie et de la mort des Japonais, c’est que les montagnes ont, depuis toujours, été considérées comme des endroits où l’âme des défunts s’élève après la mort. Les montagnes reculées étaient perçues comme “l’autre monde”. Le Mt Tateyama (région du Chūbu, altitude d’environ 3000 m), le Mt Osore-zan et le Mt Gassan (région du Tōhoku), pour ne citer qu’eux, sont connus comme étant des montagnes où se rassemblent les âmes des défunts. Or ces trois sommets comportent tous des sources naturelles d’eau chaude, et le lien est donc étroit.
©Michio ISHIKAWA Fumerolle à la vallée d'enfer de Tateyama
Dans l’ouvrage Konjaku Monogatari-shū (Recueil d’histoires d’hier et d’aujourd’hui), achevé il y a environ 900 ans, à la fin de l’époque Heian, on trouve une histoire relative au “Mt Tateyama de la province d’Etchū” (aujourd’hui département de Toyama). Il est écrit : « A Tateyama, il y a une vallée qui comporte un grand nombre de sources chaudes ; l’eau chaude fumante jaillit de trous profonds et d’interstices entre les rochers, et les gens ne peuvent pas s’approcher ». C’est cela “l’Enfer de Tateyama” - un endroit où jaillissent des sources chaudes. Il est également écrit : « Depuis les temps anciens, la plupart des personnes qui commettent un péché tombent dans l’Enfer de Tateyama ».
©Michio ISHIKAWA la vallée d'enfer de Tateyama
Il existe au Japon de nombreuses sources chaudes d’origine volcanique et à haute température, et le jaillissement de l’eau est parfois brutal. On peut imaginer que le spectacle de l’eau bouillante et des fumerolles contenant des gaz nocifs qui sortent des entrailles de la terre s’est superposé avec l’image des Flammes de l’Enfer.
Le recueil Konjaku Monogatari-shū, cité plus haut, présente également l’histoire de personnes qui, imaginant que les membres défunts de leur famille devaient souffrir après être tombés dans l’Enfer de Tateyama, sont venues prier sur la montagne en compagnie de moines bouddhistes. Lorsque les moines ont organisé un service pour les ancêtres au pied de la montagne, les morts ont paraît-il été délivrés de leurs souffrances.
L’Enfer de Tateyama est aujourd’hui appelé “Jigokudani” (la vallée de l’enfer), et c’est l’endroit le plus élevé du Japon où de l’eau chaude jaillit naturellement de la terre (altitude 2300 m). Les environs de la source étant dangereux à cause des jets brûlants et des gaz nocifs, l’eau chaude a été amenée jusqu’aux refuges et hébergements situés à proximité. Aujourd’hui, les touristes viennent dans cette région de l’Enfer de Tateyama, dont on disait autrefois qu’elle rassemblait les âmes des morts, pour se prélasser dans les eaux sulfureuses tout en profitant de la vue sur les montagnes de 3000 m d’altitude et leurs sommets enneigés.
©Michio ISHIKAWA Tateyama Onsen
Données relatives à la source chaude : - type : eau sulfureuse (sulfure d’hydrogène) - température : 54°C